Mangez-vous halal?

Certifié 100% halal, Abattoir Lafrance à Grand-Mère ne s’inquiète pas du débat lancé la semaine dernière sur l’abattage des animaux selon des rituels religieux, un phénomène qui deviendrait généralisé au Québec.

À LIRE AUSSI: "Ça me pue au nez" – André Drouin

C’est en tout cas ce que prétendent le Parti québécois (PQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) qui ont interpellé à ce sujet le ministre de l’Agriculture, Pierre Corbeil. Le porte-parole péquiste en matière d’agriculture, André Simard, a même déclaré que cette pratique, bien que légale, ne «correspond pas aux valeurs du Québec».

Lui-même vétérinaire de profession, il explique que ces rituels impliquent «le sectionnement de la gorge et le saignement de l’animal encore vivant». La norme québécoise stipule que l’animal doit être inconscient pour éviter qu’il souffre, ce qui ne serait pas forcément toujours le cas selon lui.

Un avis que ne partage pas François Lafrance. «Il n’y a aucune souffrance. C’est instantané mais évidemment, on ne fait pas ça avec un couteau à pain», explique-t-il sur un ton sérieux. Mais pour assurer que tout se déroule dans les normes, les opérations à Grand-Mère se tiennent en présence d’un vétérinaire, de trois inspecteurs du MAPAQ et d’un contrôleur de la qualité.

Mais plus important par-dessus tout, pour obtenir la certification halal, la tâche d’égorger l’animal doit être menée par un musulman qui voit à pointer le regard de la bête vers l’est, en direction de la Mecque, avant de poser le geste final.

Selon des chiffres de 2009, l’établissement de Grand-Mère abattait sur une base hebdomadaire 165 bœufs, 200 veaux de grain et 900 agneaux, soit plus de 50 000 bêtes par année. Il s’agirait d’un des joueurs majeurs dans le domaine de l’abattage des animaux selon des rituels religieux au Québec.

50 000 abattages par année

Voilà déjà plus de dix ans que la famille Lafrance a pris le virage halal, en bannissant notamment toute présence de viande de porc dans ses murs. En 2008, pour répondre à la demande grandissante, l’entreprise familiale quittait Saint-Séverin pour venir s’établir à Grand-Mère dans des lieux plus spacieux et mieux équipés.

«85% de notre production est écoulée auprès d’une centaine de commerçants de la communautés musulmanes de Montréal et Québec et dans une moindre mesure de Trois-Rivières», soutient François Lafrance.

Et le 15% restant? Il est vendu auprès de particuliers et de boucheries de la région. Si les seconds connaissent la méthode utilisée par l’abattoir de Grand-Mère, ce n’est pas nécessairement le cas des premiers. Là-dessus, François Lafrance souligne qu’il donne l’information à ceux qui lui demandent mais dans le cas contraire, il ne la divulgue pas.

Et c’est là justement ce qui inquiète les partis d’opposition à Québec. «Le consommateur doit avoir toutes les informations nécessaires pour conserver sa liberté de choix au moment d’acheter sa viande et nous demandons donc au gouvernement de rendre obligatoire l’étiquetage de la viande halal et casher au Québec», soutient Benoit Charrette, député de la CAQ.

Sentant que le débat prenait des proportions inquiétantes, Pierre Corbeil a émis en cours de semaine un communiqué dans lequel il déclare que «l’abattage des animaux au Québec est encadré par des lois et des règlements qui assurent un abattage sans cruauté et une viande salubre.» Du même souffle, le ministre de l’Agriculture a précisé qu’il entendait tout de même «sensibiliser son homologue fédéral quant à la possibilité de mieux encadrer l’étiquetage afin de fournir une information plus précise aux consommateurs.»